La décision de sanction d’un courtier prise le 26 février 2018 par la commission de sanction par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) est riche de multiples enseignements pour les intermédiaires d’assurances et les assureurs, bien au-delà de la seule problématique de la vente par téléphone de produits d’assurance.
Sur ce sujet : Voir notre article « Vente à distance d’assurance par téléphone : quels sujets d’alerte en suite de la récente sanction d’un courtier par l’ACPR ? » – à paraître dans le n°7552 de l’Argus de l’Assurance du 20 avril 2018
Quel fondement à une simplification du devoir de conseil pour les produits simples ?
L’article L. 520-1, II, du code des assurances définit la démarche de conseil que doit adopter tout intermédiaire d’assurance : « avant la conclusion de tout contrat d’assurance, l’intermédiaire doit : […] 2° préciser les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d’assurance déterminé. […] ».
Le même article n’en admet pas moins un principe de proportionnalité du devoir de conseil au regard de la complexité du produit d’assurance proposé :
« [L]es précisions [sur les exigences et besoins du souscripteur ainsi que sur les raisons du conseil], qui reposent en particulier sur les éléments d’information communiqués par le souscripteur éventuel, sont adaptés à la complexité du contrat d’assurance proposé ».
Dans quelle mesure peut-on simplifier le conseil et sa formalisation par écrit ?
Dans la décision précitée du 26 février 2018, l’ACPR livre son interprétation du niveau acceptable de simplification du conseil et de sa formalisation par écrit (sous forme de « fiche conseil ») pour des produits simples au regard du principe de proportionnalité.
Pour ces produits d’assurance simples (assurance accident, assurance hospitalisation…), la pratique de marché a développé des « fiches conseil » sur un mode parfois assez standard voire générique.
L’ACPR entend clairement rappeler qu’un conseil est, par nature, nécessairement personnalisé et qu’à l’inverse des formules « génériques », voire une affirmation péremptoire d’adéquation, applicables uniformément à tout client ne peuvent être considérées comme un conseil au sens de la réglementation.
Ont été ainsi considérées comme non conformes au devoir de conseil et à sa formalisation écrite :
- une formulation telle que « À l’occasion de notre entretien téléphonique, vous avez exprimé le souhait de bénéficier d’une garantie d’assurance afin qu’en cas de décès accidentel, vos bénéficiaires perçoivent un capital », au motif qu’elle ne donne lieu à aucune personnalisation sur la situation du souscripteur ;
- des formules identiques pour chaque contrat proposé, telles que :
- « Afin de répondre à vos besoins, nous vous conseillons de souscrire au contrat X. Ce contrat s’adresse à toute personne physique, résidant en France métropolitaine, et présente les avantages suivants […] »,
- « Tarif compétitif et adapté ; Une couverture immédiate quel que soit le type d’accident ; Un ensemble de service d’assistance pour aider vos proches »,
- « L’assurance X constitue une solution adéquate au regard des besoins exprimés ci-dessus. Vous reconnaissez avoir préalablement à la conclusion par téléphone du contrat d’assurance proposé ci-dessus, bénéficié d’un conseil personnalisé dont le contenu est restitué dans le présent document et avoir demandé à recevoir la présente fiche de conseil après la conclusion du contrat »
La seule affirmation du caractère adéquat du produit proposé ne peut ainsi suffire à satisfaire l’obligation de motivation du conseil et de vérification de l’adéquation entre le besoin identifié du client et le contrat proposé.
L’obligation de tenir compte de la situation financière du client se limite-t-elle aux produits d’assurance-vie ?
Même en dehors de la réglementation spécifique et expresse relative aux produits d’assurance-vie (article L. 132-27-1 du code des assurances), la proportionnalité du conseil ne doit pas seulement s’apprécier au regard du niveau de complexité d’un produit d’assurance et du besoin générique d’assurance, mais également prendre en compte le profil de la clientèle visée par l’intermédiaire : par exemple, comme en l’espèce, selon l’ACPR même un produit simple et d’un coût modéré peut ne pas s’avérer adapté et ne devrait pas être conseillé à des clients dont le distributeur sait (voire, devrait savoir) qu’ils disposent de revenus modestes, outre le fait qu’ils s’avèrent également peu informés.
Thierry BERNARD
Avocat, associé
CORUS, société d’avocats